“Pour moi le changement ça a été Erasmus. Ça aide à dépasser ses complexes ! J’ai décidé d’en profiter pour repartir à 0…”
Des anonymes m’ont envoyé leur témoignage, leur histoire, des bouts de vie qu’ils ont partagés avec la dermatillomanie. Plongée intime dans les origines de leur mal-être et la manière dont ce trouble s’est développé en eux….
J’ai 22 ans, je souffre de dermatillomanie depuis 10 ans pourtant j’ai découvert ce mot il y a 3 mois. J’ai commencé à avoir des boutons sur le visage à la puberté mais je n’ai jamais eu d’acné grave. Et pourtant, d’aussi loin que je m’en souvienne, je n’ai jamais laissé mes boutons tranquilles, chaque fois que je vois un bouton, il faut que je le perce. Ensuite ça a été le dos, et le décolleté. Je n’imagine pas la somme d’argent que j’ai pu mettre dans des traitements et des crèmes. Mon acné n’a jamais été grave, mais c’est moi qui empire les choses en y touchant. Finalement j’ai pris la pilule et ça a diminué mon acné qui est au final hormonale (mais comme je touche quand même à ma peau, j’ai quand même des boutons !)
Le fait est que j’ai toujours été une personne très anxieuse, je stresse pour l’école, les devoirs, les contrôles, les compétitions de gym, les soirées… tout et n’importe quoi. Et quand je stresse, toucher à ma peau est une sorte d’exutoire, et c’est bien souvent automatique, pas toujours inconscient… Quand je travaille, devant un film, ou un livre mes mains se baladent sur mon visage, dans mon dos, etc. Je crois qu’il n’y a pas un jour de ma vie depuis que j’ai de l’acné où je n’ai jamais touché à ma peau.
La conséquence c’est que ça m’a laissé beaucoup de cicatrices dans le dos et un peu sur le décolleté. J’ai toujours eu des complexes physiques… Mais mon plus gros complexe c’est mon dos. J’ai arrêté de montrer mon dos et mes épaules, je n’ai plus porté de t-shirt à bretelles, dos nu, quand j’allais à la plage ou à la piscine je laissais mes cheveux détachés. J’étais tellement complexée que je n’ai jamais eu de copain pendant tout ce temps, je ne m’imaginais pas montrer mon corps et mon dos à qui que ce soit.
Et puis il y a eu un gros changement, même si je ne suis pas du tout guérie. Pour moi, ça a été Erasmus. J’ai eu beaucoup de doutes avant de partir, je savais que partir signifiait plages, bronzage, voyages de groupe… justement ce qui me donnait envie d’y aller mais aussi ce qui m’angoissait parce que je savais que j’allais m’exposer au regard des autres, me mettre en maillot de bain, ne pas pouvoir porter de maquillage sur la plage, etc. Et j’avais peur du regard des autres comme j’en avait souffert plus petite. Finalement je suis partie et j’ai décidé de repartir à 0. Je me suis dit “même les gros, les moches et les boutonneux ont le droit de s’amuser ! ».
Blague à part, je me suis dit que je n’étais pas là pour plaire à tout le monde et que les gens ne me connaissent pas, donc ils me connaîtraient sans maquillage dès le début. En Erasmus, la logique c’est de faire tout ce qu’on veut sans être jugés parce que ça ne dure que quelques mois, donc ça aide à dépasser ses complexes.
Alors je suis arrivée en Grèce avec ma mère. Et je lui ai dit, “J’hésite à ne pas me maquiller ici comme ça je pourrai recommencer à zéro et les gens me connaîtront comme je suis”. Et puis elle m’a encouragée à le faire, et je l’ai fait, j’ai arrêté de mettre du fond de teint. Bien sûr ça n’a pas été facile au début. J’avais la même peur que depuis toujours, si je n’ai pas une belle peau, si je ne suis pas belle, les gens ne me trouveront pas attirante, ils ne viendront pas vers moi, etc. Quand je suis arrivée la premier jour de la rentrée et que je n’avais pas de maquillage, et en plus j’arrive dans un amphi avec 200 personnes de toutes nationalités… j’étais stressée c’est sûr, je savais que je ne connaissais personne, qu’il allait falloir tout recommencer de 0… et en anglais en plus ! Et puis on est tous allés les uns vers les autres assez naturellement, parce qu’au final en Erasmus, on est tous là pour ça ! Et je me suis rendue compte que… il ne s’est rien passé de grave ! Les gens sont venus me parler même si je n’avais pas de maquillage, même si ma peau n’est pas aussi bien que la leur.
Puis j’ai accepté de me mettre en maillot de bain devant tout le monde, j’ai progressivement porté des hauts à bretelles… Et puis je me suis simplement rendue compte qu’on n’était plus au collège, que les gens ne faisaient pas attention à ça, et que personne ne se jugeait en Erasmus, et quand bien même, tout le monde s’en foutait. Quand j’ai parlé de mes complexes sur mon dos à mes amis, ils m’ont dit que ça ne se voyait pas… j’ai même remarqué que je plaisais à des garçons à qui je n’aurais jamais cru plaire… Du jamais vu pour moi. J’ai rencontré un garçon en particulier et étant donné qu’il m’avait déjà vue en maillot de bain et sans maquillage, j’ai réussi à dépasser ma peur et on a eu une relation. Pour moi, c’était la chose la plus courageuse que j’ai jamais faite, et je me suis simplement détachée de ma peau. Ça ne veut pas dire que ma derma avait disparu mais j’avais décidé de lui donner moins d’importance et de vivre ma vie. Ça ne veut pas dire non plus que je ne touchais plus à ma peau, mais j’y touchais nettement moins, mais c’est aussi parce qu’en Erasmus, on n’a pas trop le temps pour ça, on est toujours occupés et accompagnés.
Aujourd’hui, de retour à ma vie “normale” j’ai retrouvé mes obligations, le stress des études, des stages, du regard des gens, mais mes crises sont moins importantes qu’avant. Les séances devant un miroir sont devenues plus rares et je suis capable de sortir sans maquillage. Malgré tout, la derma est toujours là, devant le miroir, en faisant mes devoirs, en regardant la télé, mon ordi, mon téléphone, j’ai toujours beaucoup de mal à me mettre en mode “off”. Mais aujourd’hui j’ai clairement identifié mon problème : pour moi, c’est de gérer mon stress, et je sais qu’il y a des solutions, maintenant le travail c’est de les trouver et les mettre en place. Erasmus n’a pas réglé mon problème, mais ça m’a prouvé que si je ne me focalise pas sur elle, la derma s’atténue d’elle-même.
Depuis que je sais que le problème c’est la dermatillomanie, j’ai trouvé une psy qui connaît ce trouble. Je viens tout juste de commencer la thérapie. J’avais essayé un peu la méditation, mais c’est très difficile parce qu’il faut être dans un endroit calme où l’on ne sera pas dérangé et ça n’est pas du tout le cas chez moi. C’est même tout l’inverse, je ne me sens pas du tout à l’aise chez moi et avec les personnes avec qui je vis, donc pour le moment j’essaie surtout de trouver un appartement. Mais je crois que la meditation peut vraiment me faire du bien, dans le sens où c’est un peu de la relaxation, ça permet de relâcher les nerfs, de se concentrer sur autre chose que sur sa peau.
Écrire dans un journal me fait aussi du bien. Je le fais depuis que je suis toute petite. Mais je remarque depuis peu que ça permet de “remplacer” un peu les crises. Au lieu de me décharger sur ma peau, je me décharge de mes émotions dans mon journal.
Enfin, j’adore le coloriage… (oui, à mon âge haha) ! J’ai un poster géant qu’on fait ensemble avec ma petite sœur quand je la vois, ça occupe les mains et on passe du bon temps ensemble.
Si je peux donner quelques conseils à des personnes dans la même situation que moi, je dirais :
- Essayer de se relaxer avec de la méditation, sophrologie, etc.
- Je pense que voir un psy ou un autre professionnel, ça aide, parce que personnellement, je pense qu’on ne peut pas compter sur ses proches pour ce genre de problème. C’est une trop grosse charge à supporter pour eux et ils ne savent souvent pas comment nous aider
- Faire une activité manuelle (du dessin, du coloriage, etc.) qui nous plaît, ça occupe les mains et ça aide à se concentrer sur quelque chose d’autre, et c’est satisfaisant.
- Accepter de ne pas plaire à tout le monde, éviter les relations toxiques et les faux amis qui rajoutent du stress dans notre vie
- Lire des livres positifs comme La méthode Coué, les accords toltèques, les livres de Gounelle, qui permettent juste de mettre du positif dans la tête 🙂
♥️ Témoignage à retrouver sur Instagram @peau.ssible
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