“Mes premières séances de psychomotricité me bouleversent. Ce sont les premiers pas incroyables d’un retour (ou d’un aller ?) dans mon corps, moi qui n’étais qu’une tête, avec un tel vide intérieur…”
Des anonymes m’ont envoyé leur témoignage, leur histoire, des bouts de vie qu’ils ont partagés avec la dermatillomanie. Plongée intime dans les origines de leur mal-être et la manière dont ce trouble s’est développé en eux….
Bonjour tout le monde !
Je suis atteinte de dermatillomanie depuis une quinzaine d’années.
J’ai dû commencer vers 14 ans avec de nombreux ingrédients propices dans mon entourage familial: problèmes sévères de peau, obsessions alimentaires, crises d’angoisse, culpabilité et perfectionnisme entre autres…. Bref un joli cocktail lol.
Vers 16 ans, je me suis mise à être obsédée par mon poids. Je suis devenue très mince. Je mangeais souvent très peu, faisais des joggings à outrance avec presque rien dans le ventre et me faisais vomir. J’ai souffert d’aménorrhée (absence de règles).
A 18 ans, avec le rêve utopique de devenir comédienne (et quelques expériences de théâtre à succès quand j’étais petite fille), je m’inscris dans une célèbre école de théâtre parisienne. Les cours me passionnent mais l’expérience m’ébranle: pression, compétition, importance fondamentale du corps alors que je suis tellement mal dans ma peau, impression d’être “enfermée” sur scène, sans contenance, une prof qui nous fait “gratter nos croûtes personnelles” pour jouer des scènes très noires.
Mes crises de dermatillomanie n’en sont que plus fortes et fréquentes, ce qui n’aide pas quand on doit sans arrêt s’exposer et se mettre à nu sous les projecteurs et les regards.
Mon mal être est tel que je finis par retourner en thérapie.
Je passe en 2e année de théâtre (je ne sais même pas comment) mais j’arrête presque tout de suite. En fait en parallèle, j’étais inscrite en fac d’espagnol, une “sécurité” pour rassurer tout le monde sur mon avenir.
C’est vers cette époque que je rencontre une psychiatre incroyable. Elle ne connaît pas la dermatillomanie, et je ne la stopperai pas avec elle. Mais à côté des médicaments, elle m’écoutera pendant des heures, arrivera à dédramatiser tellement de choses et m’orientera au fil des années de manière formidable pour trouver mon bien-être: livres, MBCT, hypnose, et surtout….psychomotricité!!!!
La psychomotricité a beaucoup de fonctions. Mes premières séances me bouleversent. Ce sont les premiers pas incroyables d’un retour (ou d’un aller?) dans mon corps, moi la première de la classe qui n’était qu’une tête mais avec une telle sensation de vide intérieur et identitaire. Je me rappelle de pratiques de conscience corporelle immobile et en mouvement, de relaxation, réapprendre à jouer, à me connecter au plaisir sensoriel sans culpabilité…
Vers cette époque, ma psychomotricienne suivie de ma psychiatre me font passer des tests de QI… Je suis bien précoce, mais avec une dissynchronie qui m’empêche souvent de passer de mes pensées chaotiques à l’action…. A partir de là, le travail en psychomotricité consistera m’équilibrer, et baisser le niveau d’angoisse extrême lié à toute action corporelle. Je me rappelle de jeux de réflexion où il est IMPOSSIBLE de réussir du premier coup. Je devais tâtonner, me tromper et tolérer que ce soit long avant de réussir.
(Alors que ma vie correspondait jusque là à l’exigence de réussir parfaitement tout du premier coup. Pas de coup d’essai possible… Et, incapable de passer par les essais et échecs que suppose l’apprentissage, je me fermais de nombreuses portes). Apprendre à CONSTRUIRE, dans tous les domaines, sans se laisser déborder par l’angoisse et tolérer mon impatience…
Peu de temps après, je pars en Erasmus à Madrid, un grand bol d’air dans ma vie. Pour la première fois je vis loin de ma famille et ressens une liberté jouissive. Mais je vais connaître de grosses crises de boulimie. Malgré tous mes “outils” pour aller mieux, mon équilibre est extrêmement fragile. Troubles alimentaires et dermatillomanie sont loin d’être réglés.
Une fois en master, je pars en échange universitaire en Argentine. Et j’y découvre un peu par hasard la bioénergétique, qui, dans un premier temps, me fait beaucoup penser à la psychomotricité.
La bioenergétique, ça n’a rien à voir avec des charlatans qui chassent les mauvaises énergies, comme le croient certains.
Des thérapeutes issus de la psychanalyse freudienne constatent que beaucoup de patients comprennent bien leurs processus personnels et les causes de leur souffrance, mais ne vont pas pour autant mieux dans leur vie…. Car les émotions refoulées au cours de la vie restent “bloquées dans leur corps” sous forme de tensions corporelles. Il est donc indispensable d’ajouter à la thérapie le COPRS, par le mouvement et la respiration et de VIVRE en thérapie les émotions refoulées. Bien sûr il ne s’agit pas de rester bloqué dans ces émotions mais simplement les TRAVERSER pour pouvoir passer à autre chose. Bien sûr la bioenergétique traditionnelle a aussi ses limites et il faut faire attention sur qui on tombe….mais un thérapeute compétent et bienveillant peut provoquer des changements formidables.
Et me voici maintenant en 3e année de fomation à Buenos Aires à la Escuela latinoamericana de Bioenergética. Issue de la bioenergétique traditionnelle, l’école a développé une pédagogie qui lui est propre. Elle inclue dans la thérapie la création artistique, l’expression des singularités créatrices de chacun, sublimées dans des ateliers de groupe.
C’est passionnant et me donne tellement de clés pour aller mieux dans ma vie!!! Être connectée à mes émotions au quotidien, savoir les exprimer, prendre soin de moi…
Je n’ai plus de troubles alimentaires depuis environ 2 ans.
J’ai la sensation que quand on est vraiment connecté à son corps, on entend bien davantage parler ce dernier…. Et le corps, la sensation d’ écoeurement, de mal être provoqué par une crise de boulimie crie bien plus fort que l’angoisse qui la déclenche. Je ne peux plus rien avaler quand ça devient excessif. Je ne le choisis pas. Mon corps a le dernier mot sans décision intellectuelle de ma part et il connaît son équilibre. C’est dur à décrire mais c’est ce que je ressens.
Je ne fais presque plus de grosses crises de derma….même s’il y en a encore parfois, des moments où devant mon miroir, je n’arrive plus à utiliser tous mes outils…..Mais je m’estime en voie de guérison. J’arrive assez régulièrement à oublier ma peau et sortir même si elle n’est pas parfaite, à ne pas me maquiller même avec des imperfections…
Peut-être aussi suis-je aidée pour cela par le fait de vivre dans un pays où l’on est tellement mais tellement moins complexé qu’en France ! On se regarde et on se compare tellement moins…. J’ai beau faire des études thérapeutiques, je n’entends que très peu parler de troubles alimentaires par exemple, et beaucoup d’argentins ne connaissent même pas vraiment.
J’ai l’impression qu’un de mes derniers obstacles dans la guérison définitive de la dermatillomanie est l’arrivée de boutons d’acné et d’imperfections même quand je n’ai pas touché ma peau depuis un moment… Là par exemple je n’ai plus d’acné dans le dos et ça fait plusieurs années que je ne touche plus mon dos.. La sensation que ces boutons me provoquent est très forte. Ils mettent sans arrêt mes années d’efforts à l’épreuve…… Est-ce que ma peau serait moins réactive à tout sans mes années passées de derma ? Et un autre obstacle peut-être, malgré tous les plaisirs sensoriels agréables que j’arrive maintenant à ressentir si fort dans ma vie, le plaisir irremplaçable par un autre de vider un pore…. C’est fou!!!
Je pourrais ajouter que j’ai très mal vécu le passage à 30 ans. J’ai ressenti comme un électrochoc: maintenant les rides vont arriver….et même si j’arrête la derma définitivement sous peu, je n’aurais jamais connu ou presque ma peau sans derma et sans rides. Mon peau-tentiel. Quel gâchis!!!
Un de mes outils actuels contre la dermatillomanie (et les rides futures): un massage facial japonais de 10 min chaque jour. Il comble un besoin d’auto-contact irremplaçable par un objet anti-stress, et est bénéfique contre l’acné et les rides!!!
Ainsi, pour aller mieux, je dirais de privilégier les thérapies qui traitent la personne dans son intégralité. Qui impliquent le corps puis ensuit élaborent intellectuellement…
Et puis, ne jamais nier ni culpabiliser de ses émotions, accepter leur expression (ne pas s’empêcher de pleurer). Accueillir les émotions, et si on ne peut les vivre devant nos proches ou en certaines circonstances, trouver un moment, un espace, une activité où on peut les accueillir et les vivre sans retenue: dessin, écriture, musique…… Sinon elles restent bloquées en nous et s’expriment autrement…. (par la derma par exemple).
Je pourrais conseiller aussi d’oser, (même si c’est plus facile à dire qu’à faire): oser s’ouvrir à l’inconnu, un voyage, une activité, une thérapie, une personne…. Sortir du confort quotidien où les habitudes bonnes ou mauvaises sont solidement installées….. Chercher la nouveauté pour y faire des rencontres inespérées, y découvrir des possibilités personnelles inespérées…. Sacré défi que de s’ouvrir quand la derma nous fait nous enfermer….mais ça en vaut la peine ! Ça peut être une somme de petites ouvertures très simples, pas forcément tout plaquer 🙂
Même si on ne guérit pas, on progresse toujours en allant chercher la nouveauté !
♥️ Témoignage à retrouver sur Instagram @peau.ssible
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