Dermatillomanie – Témoignage N°11

“Lorsque je suis en compagnie d’autres personnes, je ne suis pas moi-même. C’est comme si je portais un masque.”

Des anonymes m’ont envoyé leur témoignage, leur histoire, des bouts de vie qu’ils ont partagés avec la dermatillomanie. Plongée intime dans les origines de leur mal-être et la manière dont ce trouble s’est développé en eux….

 

Bonjour, j’ai 28 ans et je souffre de dermatillomanie.

Ca me fait très bizarre de dire ça car en réalité, aucun professionnel n’a mis de mot sur ce trouble et personne n’est au courant que j’en souffre à part moi. Le jour où je me suis rendue compte que ce comportement était anormal, je me suis auto-diagnostiquée grâce à internet. 

De l’adolescence à l’âge adulte 

Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été obsédée par ma peau. Mais cela a surtout commencé au début de l’adolescence lorsque j’ai commencé à avoir de petits boutons.

Je me souviens de l’un d’eux sur ma joue droite, c’était mon premier gros bouton d’acné.

Tu sais, cet énorme bouton qui est sous ta peau, bien rouge et tellement enflammé qu’il te fait mal. Je devais avoir 13 ou 14 ans. A ce moment-là, ma peau était encore comme celle d’un bébé mais ce bouton m’obsédait. La pointe blanche n’était pas encore là mais moi je pressais pour tenter de l’apercevoir. Sauf qu’en fait, je ne lui ai pas laissé le temps d’arriver… J’ai essayé de presser ce bouton plusieurs fois sans succès. Après quelques jours, je n’y arrivais toujours pas jusqu’au moment où j’ai pris une aiguille pour tout faire sortir. C’était un véritable « carnage ». Je me rappelle de cette cicatrice ENORME laissée sur ma joue. Je ne savais pas que cela serait le point de départ de mes problèmes de peau. 

A l’école, j’étais bien intégrée au niveau social. J’avais mon groupe d’amis que j’avais gardés depuis le primaire et avec qui je me sentais bien. D’ailleurs, mes copines avaient aussi de l’acné. Il nous arrivait fréquemment d’en parler sans aucune gêne. On en rigolait et on se filait l’une ou l’autre astuce de camouflage. 

Jusqu’à mes 20 ans, j’ai continué à triturer ma peau dès qu’un bouton apparaissait. Des cicatrices se sont marquées peu à peu sur mon visage et j’étais obsédée par ça. Depuis très jeune, je me renseignais sur des crèmes ou bien des méthodes qui pourraient effacer mes cicatrices (peeling, dermabrasion, … ou autre chirurgie). 

Après mes 20 ans, un mal-être général s’est installé petit à petit en moi. J’étais assez instable au niveau émotionnel. Ma dermatillomanie s’est bien installée et détériorée lorsque j’ai commencé mes études supérieures. J’avais décidé de reprendre des études un peu tardivement après avoir travaillé en entreprise quelques années. Je me suis mise énormément de pression. J’ai complètement perdu les pédales en 2ème année d’étude ainsi que lorsque j’ai commencé ma vie professionnelle (beaucoup de stress, de pression s’accumulait). J’ai commencé à avoir des crises le soir devant mon miroir, à me toucher le buste, la poitrine, le dos. Je me souviens de nombreuses fois où après être resté un certain temps devant le miroir à gratter et presser tout ce qui pouvait dépasser, je me disais « PLUS JAMAIS TU NE TOUCHERAS A TA PEAU ! » et puis ça recommençait quelques jours plus tard … 

Durant mes études, je me suis beaucoup éloignée de mes amis d’enfance pour des raisons que je n’arrive pas vraiment à expliquer aujourd’hui (manque de temps ? centres d’intérêts plus du tout les mêmes qu’avant ? plus rien à se raconter ? un peu de tout ça à la fois ? … ?)

Et en même temps, je ne parvenais pas à tisser de nouveaux liens amicaux. J’étais un peu comme « aigrie », « frustrée », bref pas très joyeuse de vivre. Du coup, au niveau social, c’est là que le fossé s’est creusé entre ma vie d’avant et ma vie actuelle. J’ai eu de moins en moins envie de parler ou de faire des activités avec d’autres personnes, je me suis complètement renfermée. 

 

Aujourd’hui

Et aujourd’hui… c’est toujours le cas. J’ai toujours peu d’envie d’échanger avec les autres car je ne veux pas leur raconter ce que j’ai au fond de moi, je n’ai pas envie d’être jugée. 

J’ai beaucoup de difficulté à me montrer vulnérable, à me confier aux autres,… Lorsque je suis en compagnie d’autres personnes, je ne suis pas moi-même, c’est comme si je portais un masque. Et puis, il y a aussi ces moments où les gens regardent un endroit bien particulier de ta peau au lieu de te regarder dans les yeux quand tu leur parles … Un moment pareil est extrêmement compliqué à gérer pour moi. Ca ne me donne pas envie de continuer à discuter mais juste de fuir loin … En fait, j’ai l’impression que mon image ne correspond plus à celle d’avant et que je n’arrive pas à l’accepter. Plus jeune, j’avais des complexes comme beaucoup de jeunes filles mais je savais me mettre en valeur et il y avait des moments où je pouvais encore me trouver pas trop mal physiquement. Mais aujourd’hui, je ne m’accepte pas du tout comme je suis. Par exemple, sortir dehors sans maquillage est impensable pour moi. Je ne m’expose plus au soleil depuis 3 ans par peur d’avoir des marques encore plus prononcées. Alors, je n’ai jamais bonne mine et  beaucoup de gens de ma famille proche ou moins proche me le disent : « Mais que tu es pâle ! Vas donc un peu au soleil ! »

Le paradoxe que je ne comprendrai jamais est que je suis obsédée par ma peau depuis toujours car je suis en quête d’une peau parfaite MAIS de l’autre côté, mon comportement provoque tout l’inverse. Chaque jour, c’est pire qu’hier ! J’en suis conscience et pourtant, je continue quand même d’abîmer ma peau sans pouvoir m’en empêcher. Quand cela va-t-il s’arrêter ?  

Que dire de mon évolution ? Cela fait environ un an que je suis en perpétuelle introspection pour tenter de mieux me comprendre et mieux me connaître. Toutes les connaissances, astuces, témoignages, idées que je peux trouver sur internet à ce sujet m’aident énormément à avancer … Je pense être sur le bon chemin car je me sens globalement mieux par rapport à avant, je me sens aussi moins déprimée. Je triture toujours ma peau tous les soirs mais j’arrive à m’arrêter avant de faire un « carnage ». Par exemple, si un bouton ne sort pas, j’arrive à le laisser tranquille sans m’acharner dessus. 

Quelque part au fond de moi, je suis persuadée que cela s’arrêtera définitivement un jour.

Je pense que dans la vie, les difficultés qui se mettent sur notre chemin sont là pour une raison et notre mission est de trouver cette raison pour nous apaiser et nous faire avancer, évoluer … 

Merci de m’avoir lue.

 

♥️ Témoignage à retrouver sur Instagram @peau.ssible

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